Entretien avec Dai Sijie.
Propos recueillis par Nathalie Jungerman
Un entretien avec Dai Sijie, romancier et réalisateur. D’origine chinoise, Dai Sijie vit en France depuis une vingtaine d’années. Il compte à son actif quatre longs métrages dont Chine, ma douleur et Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, titre de son premier roman qui a connu un véritable triomphe. Il publie aujourd’hui son second roman, Le Complexe de Di
Votre deuxième roman Le complexe de Di paraît le 4 septembre aux Editions Gallimard. Sorte de conte, de récit à rebondissements qui met en scène un personnage entre deux mondes, deux cultures...
Dai Sijie : Muo est un personnage qui a fait des études, qui les a poursuivies en France et qui s’est intéressé à la psychanalyse. Il symbolise les chinois de ma génération et ceux de la génération suivante qui voulaient changer la Chine avec certaines théories occidentales.
Comment définiriez-vous votre travail d’écriture, la construction narrative ?
Dai Sijie : D’un point de vue narratif, je voulais mieux faire que dans mon premier roman, Balzac et la petite tailleuse chinoise. J’ai essayé d’utiliser dans chaque chapitre, une forme narrative différente : les extraits de journaux, la conversation téléphonique, la lettre... Mon travail d’écriture s’organise autour d’un plan constitué au préalable, mais dans la rédaction, l’architecture subie souvent des modifications. J’attends, je cherche une image et une fois l’image captée, nette, j’essaie d’analyser, de comprendre, et de développer en une scène, une page ou un petit paragraphe. Dans Le complexe de Di, j’ai cherché avant tout quelque chose de drôle ; ce que je n’ai pas pu faire systématiquement dans mon précédent livre car l’histoire ne s’y prêtait pas. Il s’agissait d’un épisode de l’histoire de la Chine maoïste, de la Révolution culturelle, d’une rééducation...
Comme vous, votre héros écrit en français. Il est très proche de la culture et de la langue françaises au point d’écrire des lettres à son amie Volcan de la Vieille Lune dans cette langue qu’elle ne peut comprendre...
Dai Sijie : Cet élément de la narration marque une certaine autodérision, vise à se moquer des chinois qui ont voulu changer la Chine avec des pensées occidentales. Par contre, l’amour pour la France, pour la langue française, pour la littérature française, fait effectivement partie de ma vie. Avant de faire des études en France, je ne connaissais que la traduction et ne pouvais lire les auteurs dans le texte. J’aime beaucoup cette langue et j’ai écrit mon premier roman en français, pour me rendre compte, notamment, si je pouvais raconter une histoire dans cette langue. Quant au personnage de Muo, la lettre qu’il écrit en français signifie que la langue et la culture françaises font désormais partie de son identité.
Quelle importance accordez-vous à la correspondance ?
Dai Sijie : La correspondance est une matière, une forme d’écriture, un genre littéraire... mais dans la vie, je n’écris pas beaucoup de lettres. Je trouve que les écrivains femmes utilisent très bien ce procédé littéraire, mieux que les hommes. Je pense surtout à des écrivains femmes anglaises et françaises...
Quels sont les auteurs français contemporains dont vous vous sentez proche ?
Dai Sijie : Il y a beaucoup d’écrivains français que j’ai adorés, notamment, Proust et Céline, Alain Robbe-Grillet, et Daniel Pennac pour son humour ? La littérature a rythmé ma vie. Je ne me remémore les souvenirs que par des livres. Chaque période de ma vie est marquée par des romans que j’ai lus.
Que pensez-vous de la littérature chinoise d’aujourd’hui ?
Dai Sijie : Nombreux sont les écrivains chinois influencés par la littérature occidentale. Heureusement que nous gardons dans nos écrits notre personnalité. Néanmoins, il y a de plus en plus de jeunes auteurs avec des sensibilités différentes...
Quels sont vos projets cinématographiques en cours ou à venir ?
Dai Sijie : J’ai deux projets en cours mais je préfère ne pas en parler pour le moment.
Les films de Dai Sijie :
Les Filles du botaniste chinois (2002) avec Zun Zhou
Balzac et la petite tailleuse chinoise (2001) avec Zhou Xun, Kun Chen (Sélectionné dans la section Un Certain regard, au Festival de Cannes 2002)
Tang le Onzieme (1998) avec Akihiro Nishida, Tapa Sudana
Chine, ma douleur (1989) (prix Jean Vigo en 1989)