Edito juillet-août 2006
La silhouette de David est une sculpture de Giacometti, tel que Giacometti se représentait lui-même : tout en os, comme sculptés par le vent ; de part et d’autre de la bouche, de profonds sillons, comme gravés à l’eau-forte ; les yeux, bleus. David Perlov a engagé son art dans la voie du dire/vrai cinématographique, filant sa ligne de partage, entre sa vie d’homme et son pays, ses pays.
MICHAEL KUSTOW
ONE IN FOUR, HIVER 1986.
David Perlov nait en 1930, au Brésil, à Rio de Janeiro. Il vient à Paris à l’âge de 22 ans pour étudier la peinture, puis se passionne pour le cinéma, rencontre Henri Langlois dont il devient l’assistant à la Cinémathèque Française, et participe au montage du film de Joris Ivens sur Marc Chagall. En 1958, après avoir réalisé son premier film Tante Chinoise et les Autres à partir des dessins en couleur d’une petite fille née à la fin du dix-neuvième siècle, il émigre en Israël et rejoint sa femme Mira, arrivée quelques années plus tôt de Sao Paulo.
Après treize ans de travail intense, une dizaine de films réalisés non sans conflits avec les institutions de l’Etat, pour qui le cinéma n’était pas un art, David Perlov - libre comme l’écrivain qui a choisi de tenir un journal - commence à filmer avec une caméra 16 mm de la fenêtre de son appartement - "comme à travers le hublot d’un char d’assaut" - dès le début de la guerre du Kippour. D’une conception complètement nouvelle, d’une liberté de forme et de contenu, Diary allait devenir un journal constitué de 6 chapitres d’une heure chacun, filmé pendant 10 ans, 1973-1983, et considéré comme l’oeuvre la plus marquante du cinéma documentaire israélien. En 1999, David Perlov recevait le Prix d’Israël qui, pour la première fois, récompensait une œuvre cinématographique.
Diary est tantôt axé sur ce qui se passe à l’intérieur ; la famille, les amis, l’appartement, un quotidien condensé ; et tantôt sur l’extérieur ; les événements politiques du pays, la rue, les passants, les journaux télévisés. La réalité est observée d’un oeil à la fois distant et engagé, la voix off, grave et fascinante de David, bouleverse et crée une intimité avec le spectateur.
Les 6 chapitres de Diary ont été projetés en octobre 2005 au Centre Georges Pompidou, en mai dernier à Toulouse et le seront également au Festival International de la Rochelle du 5 au 8 juillet, ainsi qu’au festival "Etats généraux du film documentaire" de Lussas (Ardèche) du 22 au 24 août. Au Festival de la Correspondance de Grignan, cette édition de Florilettres en hommage à David Perlov, fera l’objet d’une présentation publique et d’un entretien en direct avec Yael Perlov, monteuse au cinéma et fille du réalisateur, ainsi qu’Ariel Schweitzer, critique et historien du cinéma, le 7 juillet à 18h30.
Par ailleurs, le colloque de Cerisy, "Archive épistolaire et Histoire" (14-22 août) proposera notamment, des lectures de lettres par la comédienne Valérie Jeannet, en présence de Ménie Grégoire. Mireille Bossis, co-directrice du colloque nous invite ici, à réfléchir à la question de l’adaptation des correspondances au théâtre. "Lettre, Histoire, Théâtre peuvent faire bon ménage : mélangeons les genres et tentons l’expérience..."
Nathalie Jungerman